Dossier : Rapport d'activités 2022

Droit des étrangers (migrance)

Introduction

Dans ce droit particulièrement important qu’est le droit des étrangers, la commission migrance se distingue essentiellement par un travail d’anticipation en proposant des modifications législatives.

Lorsqu’on entend le monde politique, il semble, pour l’essentiel d’accord avec les propositions formulées. Celles-ci sont réalistes et respectueuses des engagements internationaux pris par notre pays. Lorsqu’il faut passer à l’adoption de ces textes, on sent souvent des hésitations voire des refus dont on ne peut comprendre les raisons que par une inquiétude face à un certain électorat.

Les avocats étrangéristes sont courageux tant l’administration et même le politique donnent l’impression de tout faire pour permettre aux plus fragiles d’entre nous de simplement faire valoir des droits reconnus par les règles internationales et même nos propres lois.

Convaincre et encore convaincre. La mission est malheureusement loin d’être achevée.

 

Xavier Van Gils
Président

Rapport triennal de la commission du droit des étrangers (migrance) 

La saison n’est pas bonne pour la migrance. Et l’avenir n’est pas radieux. 

Interrogé dans l’émission ‘le temps du débat’ sur France Culture le 22 juillet 2022, François Gemenne, professeur à l’Uliège, à Science po- Paris, et membre du GIEC, disait qu’il n’avait plus d’espoir que le réchauffement climatique puisse être limité à 1,5 degré. Le journaliste lui a demandé si ce combat pour une cause climat qui paraissait à ce point mal emmanchée n’était pas anxiogène.  Réponse : « l’avantage que j’ai, c’est que je travaille à la fois sur les questions d’asile et sur les questions de climat. Et donc quand je veux travailler sur un sujet un peu plus léger et plus amusant, je passe plutôt au climat par rapport à la question de l’asile qui est dans un état beaucoup plus désespéré, là où je sens vraiment qu’en tant que chercheur je n’ai aucune prise et que des gens meurent tous les jours et que leur humanité est bafouée tous les jours. Ca c’est un sujet qui me désespère, donc quand je veux travailler sur un sujet un peu plus léger, je travaille sur le climat parce que là j’ai l’impression qu’il y a encore des choses à faire ». 

Les avocats étrangéristes, pour le moment, ne travaillent pas sur le climat. Les questions de migrance sont toutes, d’une façon ou d’une autre désespérantes. La crise climatique ne va certainement pas redorer le tableau alors qu’on évoque des millions de réfugiés climatiques dans un avenir relativement proche. 

La migrance n’est pas vue en Belgique comme une politique à gérer mais comme un fléau à combattre. Il s’en suit que les avocats étrangéristes sont de façon continue en tension avec les administrations ad hoc (OE, CGRA, Fedasil…). 

Dans ce qu’il faut souvent appeler un combat pour le respect des droits des étrangers, AVOCATS.BE a un rôle à jouer aux côtés des avocats étrangéristes mais aussi en sa qualité de représentants des justiciables. 

Au terme de ces trois dernières années, la commission migrance a reçu de la part d’AVOCATS.BE un appui apprécié, tant par les avocats étrangéristes que par le monde associatif. 

Quelques actions judiciaires 

L’OBFG a été demandeur, aux côtés d’associations spécialisées dans l’aide et la défense du droit des étrangers, dans différentes actions : 

1° Video-audition des demandeurs d’Asile. Recours en extrême urgence au Conseil d’Etat contre un règlement du CGRA qui prévoyait les auditions à distance des demandeurs d’asile. Le projet prévoyait que le demandeur d’asile soit entendu par vidéo conférence depuis un centre fermé, aux côtés de son avocat. L’Officier de protection aurait été au CGRA avec l’interprète. La proposition a été suspendue en extrême urgence par le CE puis retirée par Fedasil.

2° Logement des demandeurs d’asile. Action en référé contre l’Office des étrangers et Fedasil pour faire en sorte que la loi accueil soit appliquée et que des centaines de demandeurs d’asile ne soient pas contraints de passer plusieurs nuits sur les trottoirs du petit château ou le long du canal. 1ère condamnation de l’Etat le 19 janvier 2022 à une astreinte de 5.000 € par jour en cas d’infraction, portée à 10.000 € par jour par une ordonnance du 25 mars 2022. 

Ces ordonnances sont signifiées mais ne sont pas exécutables vu l’immunité de l’Etat. Sciemment, l’Etat bafoue une décision de justice. Un recours à la CEDH est en préparation pour défaut de caractère effectif du recours. Les associations envisagent aussi le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile, pour coalition de fonctionnaires, comme suggéré dans une ordonnance du TT de Bruxelles. A ce stade, l’OBFG a décidé de ne pas se joindre à la plainte. 

L’évocation de cette procédure donne l’occasion de mettre à l’honneur la démarche aussi opiniâtre qu’efficace de la section ad hoc, créée au BAJ du barreau de Bruxelles, pour l’introduction de requêtes individuelles en extrême urgence devant la Présidente du tribunal du travail de Bruxelles aux fins de voir l’Etat et Fedasil condamnées sous astreinte à héberger les demandeurs d’asile. Plusieurs milliers de requêtes ont été introduites en quelques mois. Avocats.be a soutenu cette initiative, notamment lors d’une conférence de presse du 1er juin 2022. 

3° Recours en extrême urgence contre les refus de visas d’étude. Depuis un arrêt en AG du Conseil du contentieux des étrangers du 20 juin 2020, il n’est plus possible à un étranger auquel un visa étudiant est refusé d’introduire un recours en extrême urgence au CCE. L’étranger qui reçoit un refus de visa d’études en septembre doit donc introduire un recours en suspension ‘simple’ qui sera au mieux traité entre janvier ou avril de l’année suivante… 

Ce n’est pas conforme à la directive européenne en la matière. AVOCATS.BE a introduit devant le TPIF de Bruxelles une action en responsabilité pour faute de l’Etat législateur. Plaidoiries prévues en 2023. 

4° AR permettant d’arrêter l’aide matérielle pour certains demandeurs d’asile. AVOCATS.BE a introduit, aux côtés d’associations  de terrain, un recours en annulation au CE contre une circulaire relative au droit à l’aide matérielle des demandeurs de protection internationale, qui permet dans certaines circonstances de priver de droit à l’aide matérielle (logement, nourriture) des demandeurs d’asile qui ont déjà introduit une demande dans un autre pays européens. 

5° Enfermement d’enfants mineurs. AVOCATS.BE a persisté, aux côtés d’associations de terrain dans un recours en annulation et suspension au CE introduit en 2018 contre un AR du 2 juillet 2018 permettant l’enfermement d’enfants mineurs (en l’occurrence en bordure de la piste d’atterrissage à Zaventem). Cet AR a été suspendu le 4 avril 2019 parce qu’il n’exclut pas la possibilité de détention d’enfants en bas âges en des lieux où ils sont susceptibles d’être exposés à des nuisances sonores très importantes. Le CE a annulé plusieurs articles de l’AR litigieux mais pas celui permettant l’enfermement de familles avec mineurs en bas âge en bordure des pistes de l’aéroport. 

Cette procédure a quelque chose de symbolique puisque dans l’accord de gouvernement d’octobre 2020 et la déclaration de politique générale en matière de migrance, le gouvernement déclarait ne plus vouloir d’enfermement de familles avec mineurs mais poursuit néanmoins la procédure en vue de faire rejeter le recours permettant les pratiques…qu’il déclare pourtant ne plus vouloir appliquer. On garde en quelque sorte au chaud une pratique qu’on ne veut pas appliquer, mais si la NV-A ou le VB parviennent au pouvoir, libre à eux… 

Un recours à la CEDH a été introduit en mai 2022. 

6° Procédure d’enregistrement en ligne. AVOCATS.BE a demandé et obtenu le 5 octobre 2020, en référé, avec des associations de terrain, la condamnation de l’Etat à ne pas mettre en œuvre une procédure d’enregistrement en ligne des demandes de protection internationale. 

Avis à la commission de l’intérieur de la Chambre 

AVOCATS.BE a rendu sur proposition de la commission migrance, des avis demandés par la Commission de l’intérieur de la Chambre. 

2022 

Salduz étrangers : Proposition de loi PS modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, visant à consacrer le droit à l'assistance d'un avocat lors de l'audition des étrangers susceptibles d'être privés de leur liberté, n° 2322/1. (Cette proposition découle directement d’une suggestion formulée par AVOCATS.BE en vue des élections de 2019). 

2021 

  • Visas étudiants - Projet de loi modifiant l'article 39/79 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers en ce qui concerne les étudiants (DOC55 1981).
     
  • Délai de recours devant le Conseil du contentieux des étrangers - Proposition de loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers en ce qui concerne le délai de recours devant le Conseil du contentieux des étrangers pour les étrangers séjournant dans les centres de rapatriement, n° 1001/1.
     
  • Intrusion non autorisée dans un véhicule, un navire, un wagon ou un avion - Proposition de loi modifiant le Code pénal en vue d'incriminer l'entrée ou l'intrusion de toute personne non habilitée ou non autorisée dans un véhicule, un navire, un wagon ou un avion DOC 55 1013. 

2020 

  • Détention de mineurs - Proposition de loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers en ce qui concerne l'interdiction de mettre des mineurs en détention - doc. 55/892.
     
  • Commission de régularisation - Proposition de loi Défi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers en vue d’y insérer des critères clairs, justes et précis de régularisation pour les personnes en situation de séjour irrégulier sur le territoire du Royaume et instituant une Commission indépendante de régularisation, DOC 55 1415/001
     
  • Visites domiciliaires - Proposition de loi N-VA modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers afin de garantir l’exécution des mesures d’éloignement, DOC 55 0066/001. 

Solidarité 

Le CA a reçu un couple de confrères afghans impliqués dans la défense des droits humains, exfiltrés d’Afghanistan par les avions belges à la fin août 2021 et entretemps reconnus réfugiés. Ils ont pu illustrer ce que signifie devoir en quelques jours voire quelques heures, quitter sa maison, son métier, ses contacts sociaux et familiaux et sa culture pour se retrouver totalement démuni dans un pays qu’on ne connaît pas. Ces confrères nous disent la gratitude qu’ils ont à l’égard de l’OBFG et du bâtonnier de Bruxelles, qui les ont reçus et soutenus et qui, disent-ils, constituent pour eux une famille sur laquelle ils vont s’appuyer pour rebâtir un avenir. 

Le soutien apporté par l’OBFG depuis sa création et qui ne s’est pas démenti pendant ces trois dernières années, à la cause du droit des étrangers et aux avocats étrangéristes, est appréciable et apprécié. 

Il conforte la confiance que les avocats étrangéristes accordent à leurs institutions. Il assoit à l’égard d’un milieu associatif nombreux et varié, l’image d’un barreau solidaire impliqué dans les combats qui parcourent la société. 

 

Jean-Marc Picard
Président de la commission