Introduction
Le pouvoir politique s’est montré très intéressé par cette matière et des projets sont actuellement en discussions tant au cabinet du ministre de la justice qu’à celui de l'économie et du travail.
S’il est certainement utile de prévoir des procédures simplifiées dans un certain nombre d’hypothèses, dans le respect des droits des créanciers et des débiteurs, le barreau doit pouvoir apporter une plus-value. L’expérience des avocats médiateurs de dettes est précieuse.
Certains ont souhaité une automatisation de la gestion du surendettement. Tel fut le souhait, à une certaine époque, d’une partie des huissiers de justice. Les prétendus économies qu’un tel projet engendrait occultaient totalement les situations particulières qui nécessitent un traitement humain des dossiers. Les avocats apportent cette plus-value.
C’est un chantier important qui se poursuit. Une nouvelle fois, par notre déontologie mais aussi par nos compétences, tout en acceptant une certaine systémisation, les avocats peuvent relever le défi d’un traitement de meilleure qualité de ces situations.
Xavier Van Gils
Président
Rapport triennal de la commission règlement collectif de dettes[1]
AVOCATS.BE et l’OVB travaillent ensemble sur des propositions tendant à améliorer la gestion du surendettement et la procédure de règlement collectif de dettes. Ils ont aussi élaboré des scénarios alternatifs au RCD.
Ils ont été entendus par la commission justice de la Chambre en septembre 2020 et en mai 2022.
Les travaux du groupe de travail et de la commission comprennent trois axes :
- La réforme de la gestion du surendettement.
- Les améliorations à apporter à la loi actuelle.
- Une formule novatrice sous le terme de « coaching de dettes » ou « médiation financière ».
I. RÉFORME DE LA GESTION DU SURENDETTEMENT
A. Mise en œuvre du registre central des règlements collectifs de dettes (plateforme digitale RCD)
Le registre central des règlements collectifs de dettes a été créé par les articles 1675/20 et suivants du Code judiciaire. Il est un outil indispensable pour assurer la gestion du surendettement.
L’O.V.B. et AVOCATS.BE ont été désignés comme gestionnaires de ce registre comme ils l’ont été pour le registre central de la solvabilité (Regsol).
L’O.V.B. et AVOCATS.BE ont établi le cahier des charges et recueilli les offres des fournisseurs potentiels. Ces offres ont été examinées avec le cabinet de la Justice, les deux Ordres préconisant le recours à un fournisseur expérimenté, ayant remis une offre complète.
Le 15 juillet 2022, le Conseil des ministres a approuvé un projet d'arrêté royal organisant les conditions d'octroi, les modalités de paiement, la gestion et le contrôle des indemnités pour la création du fichier central des règlements collectifs de dettes.
L'article 1675/27 dispose que :
- Les coûts de mise en place et de gestion du registre sont financés par le Service Public Fédéral Justice ;
- Le Roi détermine le montant des frais d'établissement et de gestion ;
- L’administrateur du registre rende compte aux ministres de la justice et de l'économie des recettes et des dépenses du registre chaque année avant la fin du mois de juin.
Le projet octroie 3.363.890 euros aux gestionnaires du registre, soit les ordres des différents barreaux, pour établir le registre en 2022 et 2023. Le ministre de la Justice et l'administrateur concluront une convention pour déterminer les conditions d'utilisation, de suivi et de contrôle de la subvention. (Voir AR du 20/7/2022 publié au MB du 02/08/2022).
La mise en place de ce registre permettra un accès plus aisé et plus rapide à la procédure de règlement collectif de dettes. De plus, elle entrainerait une économie substantielle d’envois postaux par les tribunaux, et donc des frais de poste et de personnel.
B. Amélioration de la loi sur le fichier central des avis de saisies de délégation, de cession, de règlement collectif de dettes et de protêt (F.C.A.)[2]
Le F.C.A. doit donner une image plus complète de la solvabilité de la personne, dans le respect de sa vie privée et du R.G.P.D.
C. Renforcement du caractère collectif des saisies / Interdiction pure et simple des procédures d’exécution multiples
Il faut imposer aux créanciers de s’associer à la première saisie mobilière ou arrêt en cours, sans pouvoir effectuer de nouvelles saisies. Il faut assurer une meilleure publicité des biens saisis (jonction de l’exploit à la fiche par exemple) et permettre l’ajout de biens mobiliers non visés lors de la première saisie. Il faut interdire aux créanciers saisissants de percevoir des paiements volontaires, hors concours, tant que la saisie est en cours.
D. Inversion de l’imputation des paiements
Les paiements doivent s’imputent d’abord sur le principal puis sur les intérêts et les frais (à insérer dans le Code de droit économique ou via une modification du Code civil ?).
E. Détermination du passif exigible
Une réforme approfondie de la notion d’« impayés » s’impose.
AVOCATS.BE plaide pour une description précise et impérative des frais et indemnités pouvant être réclamés par un créancier en cas d’impayé.
F. Compétence du tribunal du travail pour tout le contentieux du surendettement
AVOCATS.BE et l’O.V.B. estiment les tribunaux du travail se sont spécialisés dans ce contentieux, ont formé du personnel et mis en place des méthodes de travail qui leur permettent de ne connaître guère d’arriéré. Il serait contreproductif d’opérer un transfert de compétence vers les justice de paix.
G. Formation des avocats médiateurs de dettes
AVOCATS.BE et l’O.V.B. sont sensibles à la critique qui consiste à dire que les personnes précarisées nécessitent une écoute particulière.
AVOCATS.BE a créé un Institut de formation permanente et cette matière pourrait être abordée dans les formations.
H. Remise de dettes
La législation actuelle permet déjà les remises de dettes immédiates (article 1675/13bis du Code judiciaire). Certains tribunaux acceptent difficilement de les appliquer. Des critères pourraient être précisés pour éviter une telle disparité de jurisprudence.
Partage d'expériences quant à la gestion du surendettement.
AVOCATS.BE a enfin organisé le 21 juin 2022 une réunion de travail avec les institutions chargées du surendettement.
Etaient présents :Geoffrey Guillaume (secrétaire-adjoint du comité de direction de la chambre des huissiers), Pascal Bodart (rapporteur-adjoint du comité de direction de la chambre des huissiers), Lionel De Mol (responsable du service juridique de SAM-TES), Anne Defossez (directrice du centre d’appui Médiation de Dettes de Bruxelles-Capitale), Sylvie Moreau (centre d’appui Médiation de Dettes de Bruxelles-Capitale), Caroline Jeanmart (directrice observatoire du crédit et de l’endettement), Virginie Sautier (juriste observatoire du crédit et de l’endettement), Denis Maréchal (président Tribunal travail de Liège),
La suite des travaux est prévue en octobre 2022.
Ces rencontres ont pour objectif de mieux se connaitre, de développer des synergies, d’échanger les idées et les programmes de chacun.
II. AMÉLIORATIONS CONCRÈTES A APPORTER AUX ARTICLES 1675/2 ET SUIVANTS DU CODE JUDICIAIRE
Le second volet du projet répond à la nécessité d’améliorer la procédure de règlement collectif de dettes et sont notamment visés.
Concrètement et notamment :
- Le délai pendant lequel une nouvelle requête en RCD ne peut être introduite après un jugement de révocation, sera d'un an minimum à 5 ans maximum.
- Dans un souci d’efficacité, des mentions obligatoires seront ajoutées à celles que doit contenir la requête introductive.
- Les mentions devant figurer dans la déclaration de créance seront complétées (justificatifs de la créance, preuves de mandat et/ou de cession de créance).
- Le médiateur bénéficiera d’un accès gratuit à toutes les banques de données (DIV, Banque Carrefour de Sécurité Sociale, Cadastre, Documentation du Patrimoine, Registre des gages, Registre National, Point de Contact Central des Comptes bancaires et des Contrats Financiers (PCC), Registre Central des Contrats de Mariage et le Registre central des Testaments).
- Le tableau des charges supportées par la personne surendettée sera communiqué aux créanciers.
- Le délai pour les contredits sera réduit à un mois.
- Sur requête motivée, le tribunal pourra considérer un contredit comme abusif. Cela permettra de privilégier les plans de règlement amiable.
- Le plan de règlement judiciaire prendra cours à la date de la décision d’admissibilité.
- Il sera interdit au failli de bénéficier de l’effacement du solde des dettes si une médiation de dettes était déjà entamée au moment de la déclaration de faillite.
- Les huissiers ont l’obligation de consulter les avis visés aux article 1390 à 1390quater avant de procéder à une signification et exécution et de transmettre un décompte au médiateur de dettes, à peine d’irrécouvrabilité des frais engagés en violation de l’obligation de consultation.
III. MÉDIATION FINANCIÈRE
Le « coaching de dettes » ou médiation financière
Cette procédure serait une alternative au règlement collectif de dettes lorsque celui-ci n’est pas adapté à la situation d’une personne surendettée.
Elle est destinée aux personnes en mesure de rembourser au moins 100 % du capital, avec possible abandon des frais et intérêts, en un délai qui ne peut excéder 5 ans.
Elle est introduite par simple requête, reprenant notamment l’identité complète du débiteur et la liste des créanciers.
La personne surendettée conserve la gestion de ses revenus et verse chaque mois à son médiateur financier, le montant convenu pour assurer le remboursement. Toutes les voies d'exécution qui tendent au paiement d'une somme d'argent sont suspendues.
Si le médiateur financier estime, dans le délai imparti, que la rédaction d’un plan de remboursement conforme à la loi est impossible, il met fin à sa mission. S’il constate que les conditions sont réunies, il propose alors au débiteur de solliciter sans trop de formalités, son admission en procédure RCD classique.
L’objectif de cette procédure est de donner au créancier des perspectives plus rapides de paiement de la totalité du capital.
Isabelle Tasset
Administratrice
[1] Cette commission est coprésidée par Jean-Joris Schmidt
[2] Loi du 29 mai 2000 portant création d'un fichier central des avis de saisie, de délégation, de cession et de règlement collectif de dettes et de protêt et modifiant certaines dispositions du Code judiciaire = loi instaurant le F.C.A. (fichier central des avis de saisie, de délégation, de cession, de règlement collectif de dettes et de protêt) dans le Code judicaire, articles 1389bis/1, à 1391.