Monsieur le Vice-Premier Ministre et Ministre de la Justice,
Messieurs les Procureurs généraux,
Madame la Présidente du Collège des cours et tribunaux,
C’est le moment, c’est l’instant ; le momentum comme on dit désormais. Nos esprits sont mûrs et ceux des citoyens également.
Nous ne pouvons plus tolérer les modes de fonctionnement de la justice, qui appartiennent à un autre âge et qui revêtent - ayons le courage de le reconnaître - une dimension absurde qui est intolérable.
Qui en fait les frais ?
C’est le fonctionnement de la justice et donc les justiciables et les citoyens mais aussi les acteurs de terrain, à savoir, les magistrats et les avocats qui assument ensemble ce service public, qui souffrent de cette situation.
Pourquoi la justice, qui est plus qu’un service public, ne suivrait-elle pas – enfin ! – l’évolution des mœurs et de la technologie ?
Des réformes, mais qui n’ont rien de fondamental, doivent assurément intervenir dans la législation.
Ce n’est pas à vous, Monsieur le Ministre de la justice, qui avez entrepris de si multiples chantiers d’une toute autre ampleur que cela doit effrayer.
Avant tout, c’est une question de volonté. De volonté politique mais aussi de bonne volonté de la part de tous !
Si des lois aussi essentielles que le Code civil, le Code judiciaire, le Code de commerce ont été revues en profondeur pour s’adapter aux exigences des temps modernes d’autres dispositions peuvent suivre le même traitement.
Les difficultés liées à la crise du Covid-19 et notamment de communication ont démontré à quel point l’instinct de survie, la nécessité d’assurer le service public, la (très) bonne volonté de bien faire qui manifestement anime la plus grande majorité des acteurs de terrain ont révélé la capacité de tous de surmonter tant bien que mal les difficultés. L’utilisation de l’informatique pour remplacer nombre de déplacements absolument inutiles et garantir le fonctionnement des juridictions, comme par exemple le recours à des vidéoconférences qui se sont avérées très performantes, certes non pas pour toutes les affaires mais un certain nombre d’entre elles.
Faciliter et simplifier une série de règles de fonctionnement avec pour seuls objectifs : l’efficacité, l’économie et le progrès ! Nous en sommes tous responsables. C’est à portée de main et nous avons le devoir de mettre en œuvre les leçons de cette crise qui, en réalité, n’est qu’un détonateur de ce qui était déjà en marche.
Supprimons immédiatement ces déplacements inutiles pour des audiences purement organisationnelles, permettons l’accès en ligne aux dossiers des procédures civiles ou pénales, communiquons systématiquement et sans fraisles décisions rendues par voie électronique aux parties concernées et à leurs conseils, supprimons les travaux pénibles et coûteux de photocopie de dossiers, etc.
Les solutions existent, les programmes informatiques également même si des adaptations doivent être finalisées. Les droits d’enregistrement payés sur les photocopies des dossiers répressifs, qui sont indispensables à l’exercice des droits de la défense, sont forcément inférieurs au coût réel des photocopies qui nécessitent des heures de prestation d’un greffier, des photocopieuses et du papier …
Qui fonctionne encore aujourd’hui comme cela ? Qui accepterait cela de son employeur, d’un prestataire de services ou d’un fournisseur ? Personne.
Lorsqu’on raconte tout ce qu’il y a lieu de faire pour obtenir toutes ces copies, aucun acteur du monde économique ne peut le croire. Tenter d’expliquer à un chef d’entreprise que prendre connaissance d’un arrêt de la chambre correctionnelle de la Cour d’appel nécessite un déplacement au greffe ou une demande par la poste d’une copie avec en annexe un bon de greffe qui est une sorte de chèque en blanc relève de l’exploit. Et pourtant.
Il est plus que temps de pouvoir introduire toute demande devant une juridiction par voie électronique sécurisée. Il est plus que temps de procéder à des réformes pour enfin permettre à la justice de passer du 19ème au 21ème siècle !
Qui oserait rétorquer que ces aspirations à faire mieux, dans l’intérêt de tous, ne seraient pas pertinentes ? L’usage de Regsol (registre central de la solvabilité géré par les Ordres d’avocats) durant cette période de crise a démontré, si besoin en était, la réussite de l’informatisation dans certains domaines.
Assez tergiversé ! Décidons et allons de l’avant ! Rien ne sera parfait du jour au lendemain mais utiliser le momentum ou la « fenêtre météo » qui s’est largement ouverte est un gage de réussite. Ne pas le faire serait coupable. Coupable, ce ne sera pas le mot de la fin. La conclusion se veut positive et confiante.
Xavier VAN GILS
Ancien Bâtonnier
Président d’AVOCATS.BE
Edward JANSSENS
Ancien Bâtonnier
Président de l’Orde van Vlaamse Balies
Robert DE BAERDEMAEKER
Ancien Bâtonnier
Président de la Commission de Droit pénal d’AVOCATS.BE
Ancien Président d’AVOCATS.BE