Depuis bientôt dix ans, AVOCATS.BE a pris l’initiative de lancer des procédures en responsabilité contre l’Etat Belge en raison de la surpopulation carcérale et de l’atteinte aux droits fondamentaux qu’elle exacerbe.
AVOCATS.BE a pu s’appuyer sur diverses études criminologiques, les rapports de visite du Comité européen pour la prévention de la torture et des traitements inhumains et dégradants du Conseil de l’Europe, les constats de l’observatoire international des prisons, les arrêts de condamnation de la Belgique par la Cour européenne des droits de l’homme, voire même les avis de la Cour des comptes. Depuis des décennies, la situation dans nos prisons est en effet dénoncée, y compris par les gens qui y travaillent, et s’empire.
Trois établissements pénitentiaires ont plus particulièrement été visés en raison de leur taux d’occupation : ceux de Bruxelles, de Lantin et de Mons.
A chaque fois, l’Etat Belge a été condamné pour les fautes qu’il a commises dans la (non) gestion de la situation intolérable qui existait et malheureusement existe encore ainsi que pour les traitements inhumains et dégradants commis.
A chaque fois, l’Etat Belge a interjeté appel. A deux reprises déjà, statuant sur le fond et sur les astreintes, la Cour d’appel de Liège a confirmé que la suppression de toute surpopulation pénitentiaire s’impose pour que les droits fondamentaux des détenus soient respectés.
A chaque fois, ces condamnations sont restées lettre morte.
Pourtant, l’Etat doit dans des délais précis diminuer la surpopulation dans un premier temps à 110 % de la capacité carcérale pour la supprimer complètement ensuite. A défaut, des astreintes importantes courent par jour et par détenu excédentaire. L’Etat Belge est déjà redevable, uniquement pour la prison de Lantin, pour la période du 9 décembre 2023 au 09 janvier 2024, de plus de 2.700.000 €. Des astreintes s’imposent aussi pour chaque constat de traitement inhumain et dégradant.
Etonnamment, il n’y a jamais eu autant de détenus incarcérés alors même que la délinquance n’est pas en augmentation. En septembre 2021, les prisons belges comptaient 10.035 détenus, plus de 11.000 en février 2022, pour atteindre 11.500 en juillet 2023 et, enfin, plus de 12.000 début janvier 2024.
A cet égard, de manière surprenante, malgré cette situation, l’Etat multiplie les législations qui convergent vers plus de privation de liberté : exécution des courtes peines sans création de maisons de détention en suffisance, nouvelle procédure accélérée avec un recours obligatoire de la détention préventive, un nouveau code pénal sexuel qui aggrave les peines, moins de régularité dans le contrôle des détentions préventives, etc.
AVOCATS.BE n’a pas agi dans le but de s’enrichir et n’a que faire de l’argent qui s’accumule si ce n’est dans le but de faire pression sur l’Etat afin qu’il respecte ses obligations nationales, internationales ainsi que les décisions de justice.
Son objectif a toujours été qu’il soit mis un terme aux multiples violations des droits humains en prison portées à leur paroxysme avec la surpopulation carcérale, et ce dans l’intérêt des justiciables de manière globale.
On ne peut en effet, être indifférent notamment à l’absence totale en cellule d’intimité et de la plus élémentaire pudeur et en particulier pour les besoins premiers, à l’incarcération des internés, à la (quasi) absence d’activités et de suivi pour envisager sa réinsertion, aux entraves finalement au droit à devenir meilleur; on doit se révolter face à la présence de rats, à l’infection ingérable des punaises, au retour de maladies qu’on pensait appartenir au passé telles que la tuberculose ou la coqueluche, au taux élevé de suicides… Il est préoccupant de savoir que ces maladies sortent de la prison par le biais des contacts du monde extérieur.
D’autant que les portes du pénitencier peuvent se refermer sur n’importe qui, pas uniquement sur des délinquants d’habitude. Personne n’est à l’abri d’une erreur de jeunesse, voire de justice, d’une condamnation par défaut ou encore d’une accumulation de petites peines comme en matière de roulage.
Et, il ne faut pas se méprendre, les conditions de détention sont l’affaire de tous, pas uniquement de ceux qui sont enfermés. On peut déjà imaginer ce que représente le travail en prison ou les visites de la famille dans ces circonstances. En outre, le détenu, dans un tel contexte propice à la propagation de la violence, peine à préparer un retour serein et meilleur dans la société et partant, le risque de récidive s’accentue … le cercle vicieux de la prison se met en place.
Ainsi, à l’évidence, veiller au respect des droits fondamentaux des détenus, c’est aussi protéger la société.
Enfin, comment comprendre que les personnes incarcérées le sont par hypothèse parce qu’elles n’ont pas respecté les règles de notre société, et que la prison soit en même temps un lieu où le droit est bafoué alors même que l’Etat est rappelé à ses obligations de toutes parts ?
Les procédures menées par AVOCATS.BE relèvent du respect de la personne humaine, de la dignité de tous, de l’Etat de droit ainsi que de la sécurité publique. Il est donc temps que l’Etat Belge respecte les décisions de justice, ce qui constitue dans un état démocratique le minimum. Tout ce qui précède relève en définitive d’une cause juste, noble et loin d’être impossible. Les solutions existent et AVOCATS.BE, parmi d’autres, les a soumises au Ministre.
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