Par un arrêt rendu ce 5 juillet 2018[1], la Cour constitutionnelle fait droit à un recours introduit par AVOCATS.BE contre une disposition qui a modifié la loi sur la détention préventive en supprimant la sanction de remise en liberté automatique en cas de non-respect de formalités essentielles qui entourent le mandat d’arrêt, à savoir la signature du juge et la motivation.
Cette modification législative « de circonstance » faisait suite à un fait divers largement médiatisé : un élu francophone, membre du parlement flamand, accusé du meurtre du mari de sa maîtresse avait été écroué à la prison de Saint-Gilles puis libéré au motif que le juge d’instruction n’avait pas signé le mandat d’arrêt.
Les conclusions de la Cour constitutionnelle sont implacables : « Seule la signature du juge d’instruction garantit que le mandat d’arrêt émane bien de ce magistrat. Etant donné le caractère essentiel du droit à la liberté individuelle, l’omission d’une telle formalité, même en cas de force majeure, constitue une irrégularité grave et, partant, irréparable. »
Après avoir rappelé que l’article 12 de la Constitution ne permet de porter atteinte au droit à la liberté individuelle que pour autant que la personne fasse l’objet d’une arrestation sur la base d’une ordonnance motivée, la Cour constitutionnelle constate que la disposition attaquée, en permettant que le mandat d’arrêt ne comporte pas de motivation, viole l’article 12 de la Constitution.
Une fois de plus, la Cour constitutionnelle fait droit à un recours d’AVOCATS.BE.
Loin de se réjouir, AVOCATS.BE regrette que le législateur ne tienne pas compte des avis et des avertissements qui lui sont donnés dans le cadre des travaux parlementaires. Concernant la disposition qui vient d’être annulée, AVOCATS.BE a, à différents stades du processus législatif alerté le ministre de la justice puis la commission de la justice de la Chambre sur l’inconstitutionnalité de la disposition envisagée. En vain….
AVOCATS.BE, de même que toute une série d’experts magistrats, professeurs d’universités, ONG, experts de terrain sont très régulièrement entendus au Parlement dans le cadre des travaux parlementaires. Ils sont invités pour donner un avis juridique et/ou technique et non politique.
Force est malheureusement de constater que leurs avis sont rarement entendus. Une fois que le gouvernement a pris une décision, le parlement est de facto lié par cette décision et la majorité, même si elle peut avoir des réserves, adopte les projets qu’on lui demande d’approuver. Cela n’est pas une saine démocratie.
« Un avocat, c’est quelqu’un qu’il faut écouter avant pour éviter d’avoir des ennuis après » : le législateur devrait méditer sur le slogan d’AVOCATS.BE s’il veut éviter d’autres déconvenues » conclut Jean-Pierre Buyle, président d’AVOCATS.BE.
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[1] Arrêt 2018/91 du 5 juillet 2018 - http://www.const-court.be/public/f/2018/2018-091f.pdf