Lorsque les autorités ordinales ont connaissance d’abus ou de comportements inadéquats, une suite disciplinaire y est donnée. La profession d’avocat n’a pas de leçon à recevoir.
AVOCATS.BE et l’OVB ont appris ce 24 février que le gouvernement a décidé d’approuver un projet de loi proposé par le secrétaire d’État aux migrations Théo Francken dont le but est de viser à sanctionner les avocats qui se rendraient coupables d’abus de procédure en matière de droit des étrangers.
Depuis de nombreuses années, certains milieux se plaisent à répéter que des avocats pratiquant le droit des étrangers se rendraient coupables d’abus de procédure.
Sensibles à ces questions, l’Ordre des barreaux francophones et germanophones et l’Orde van de Vlaamse Balies ont depuis que ces critiques s’expriment, demandé que tant le ministre ou le secrétaire d’État en charge de l’immigration que le Conseil du Contentieux des étrangers fassent connaître aux bâtonniers les cas de procédures qu’ils estimeraient abusives.
Les bâtonniers ont rappelé et rappellent qu’ils sont compétents, tant en vertu de l’article 456 du Code judiciaire, pour tous les avocats, que de l’article 508/8 du Code judiciaire pour les avocats qui interviennent dans le cadre de l’aide juridique, pour prononcer des sanctions disciplinaires à l’égard des avocats dont il s’avérerait qu’ils introduiraient fautivement des recours.
Depuis une dizaine d’années, un nombre de cas totalement insignifiant de plaintes ont été déposées entre les mains des bâtonniers.
Lors des discussions préalables à la modification des dispositions du Code judiciaire relatives à l’aide juridique (loi du 6 juillet 2016), des représentants des deux Ordres avaient rencontré le cabinet du secrétaire d’État à la migration. Les Ordres, entendant une nouvelle fois des plaintes non précisées quant à l’existence de recours abusifs, avaient renouvelé leur intention de sanctionner les abus s’ils étaient avérés et pour ce faire demandé aux collaborateurs du Secrétaire d’État à la migration de les informer des cas précis sur lesquels ils se basaient pour prétendre à l’existence de nombre de recours abusifs.
Nonobstant les promesses formulées alors par le cabinet du Secrétaire d’État, les Ordres attendent toujours.
Les Ordres relèvent par contre des pratiques déloyales de l’Office des étrangers consistant, lorsqu’un recours est introduit devant le Conseil du contentieux des étrangers, à retirer la décision dont il comprend qu’elle donnera lieu à une annulation par le Conseil du Contentieux des Étrangers, pour reprendre une décision exactement similaire.
Ce retrait de la première décision rend le recours sans objet et oblige l’avocat à introduire un nouveau recours contre la nouvelle décision. Il est fréquent que ce carrousel, généré par l’Office des étrangers, ne s’arrête pas à un seul tour…
Les Ordres déplorent fortement que le Secrétaire d’État à l’immigration n’ait pas cru nécessaire de se concerter avec eux avant de déposer un projet de loi qui concerne directement les avocats.
Ils considèrent que ce refus de concertation s’explique non par ce que le secrétaire d’État à la migration aurait quelque reproche à pouvoir formuler à l’encontre du travail des avocats mais qu’au contraire, comme un hommage du vice à la vertu, il déplore en réalité l’efficacité du travail des avocats.
Les Ordres rappellent que les avocats, les juges et les journalistes, chacun en leur domaine, sont les gardiens de l’État de droit et que les attaques contre cet État de droit commencent toujours par des attaques contre ces trois professions.
En conséquence, les Ordres demandent instamment au gouvernement de ne pas persévérer dans son projet et d’ouvrir sans délai des discussions avec eux.