La surpopulation carcérale, encore et toujours
En ouverture du journal télévisé de la RTBF du vendredi 20 septembre 2024, le journaliste Laurent Mathieu annonce : « Une centaine de détenus ont été libérés préventivement cette semaine et pour une raison très simple : la surpopulation ». Quelques minutes plus tôt, le journal de RTL-TVI consacrait un reportage au même sujet.
La raison de cet intérêt pour la problématique de la surpopulation des prisons contre laquelle votre Ordre communautaire lutte depuis de nombreuses années est la libération anticipée d’un certain nombre de détenus – on parle de +/- 140 sur une semaine – en exécution d’une circulaire que vous trouverez plus loin dans cette Tribune, le SPF Justice nous ayant demandé de la diffuser.
Dans chaque reportage, M. Grégory Wallez, secrétaire fédéral CGSP « Prisons », était interrogé et relatait le désarroi des agents pénitentiaires face à la surpopulation dans les prisons, en des termes mesurés mais très clairs, et pointait du doigt la raison principale de cette situation : la décision politique de mettre à exécution les « courtes peines » sans aucune préparation.
Parmi ses propos, j’en relève deux qui me paraissent plein d’empathie et d’un extrême bon sens pour le premier et, pour le second, illustrer parfaitement l’inanité des mesures adoptées par notre Etat pour remédier au traitement inhumain et dégradant qui est la conséquence de la surpopulation, alors qu’il a fait l’objet de plusieurs condamnations sous astreintes, à notre requête, et que ces astreintes courent et atteignent des montants fort importants.
M. Wallez disait en effet dans le reportage de la RTBF : « Une courte peine qui entre et qui est en contact avec un condamné à 20 ans pour des faits graves, je ne crois pas que ce soit la meilleure solution … et en termes de réinsertion, je ne suis pas sûr que ce soit une réussite », tandis qu’interrogé par RTL-TVI, il affirmait : « Si on regarde aujourd’hui, on a 41 détenus qui partent en congé mais on en a 140 qui reviennent demain. C’est toujours les vases communicants. »
Parmi les trois adjectifs repris dans le slogan du SPF Justice (« Une justice plus humaine, plus rapide et plus ferme »), la priorité a été donnée au troisième, au détriment du premier !
Il est plus que temps que nos gouvernants se ressaisissent et s’attèlent à une véritable réforme en profondeur de la problématique de la détention, préventive ou après jugement, plutôt que d’adopter des mesures qui ressemblent furieusement à des emplâtres sur une jambe de bois.
En juillet dernier, AVOCATS.BE, des associations de magistrats néerlandophones et francophones, la Ligue des droits humains et la Liga voor Mensenrechten, l’Observatoire international des prisons, le Centre d’action laïque, des associations d'aide aux détenus et des associations syndicales du personnel pénitentiaire ont écrit à ce sujet au formateur du futur gouvernement et aux présidents des partis de la probable future majorité. Puisse cet appel être enfin entendu !
Nouveaux élus
Lors de l'assemblée générale du 13 mai 2024, AVOCATS.BE a élu de nouveaux membres de son conseil d'administration, y compris un vice-président. Me Marc Fyon a été élu vice-président, et assumera son rôle à partir du 1er septembre 2024 avant de devenir président en 2026. Trois administrateurs ont également été élus pour des mandats de deux ans : Me Pierre Henry, Me Stéphanie Pelet-Serra et Me Karim Daoud. Un appel à candidatures sera lancé pour remplacer Me Fyon en tant qu'administrateur bruxellois.
Le temps des élections
L'assemblée générale d'AVOCATS.BE, tenue le 15 avril, a abordé des sujets tels que les élections imminentes et la réforme judiciaire en Belgique. En cette période électorale, la justice, marquée par des enjeux tels que la surpopulation carcérale, est devenue un sujet politique prioritaire. Un débat récent à l'UNamur a vu la participation de figures politiques majeures, discutant de l'allocation de ressources à la justice et de la gestion de la criminalité financière, sans soutien pour une décentralisation de la justice. Parallèlement, AVOCATS.BE organise ses élections internes, prévues pour le 13 mai, avec des candidatures pour le vice-président et trois postes d'administrateurs.
Avenir incertain du projet de modernisation de la profession d’avocat
L'avenir du projet de loi sur la modernisation de la profession d'avocat demeure incertain, alors que la fin de la législature approche et que la commission justice de la Chambre n'a pas accordé la priorité nécessaire à son avancement. Malgré les efforts et des interventions auprès de la présidente de la Commission, seulement deux amendements ont trouvé un consensus : l'un sécurisant le contrôle informatique des comptes des avocats, et l'autre octroyant aux bâtonniers un droit de visite des prisons similaire à celui des députés. Ces mesures visent à renforcer les droits de la défense et le respect de la dignité des personnes incarcérées.
Aide juridique : le point à 93,97 euros !
Un arrêté royal promulgué le 21 février modifie les conditions d'indemnisation des avocats pour l'aide juridique de deuxième ligne. Cette modification, qui résulte de longues négociations, fixe la valeur du point à 90,36 euros, indexée depuis septembre 2022, donnant actuellement une valeur de 93,97 euros. Elle prévoit aussi un ajustement possible de la valeur du point et ouvre la possibilité d'un deuxième paiement annuel en fonction des crédits disponibles. Par ailleurs, elle instaure des changements dans les procédures de contrôle et d'audit, ainsi que dans le calcul du subside pour les frais de fonctionnement des bureaux d'aide juridique, visant une plus grande cohérence et transparence financière.
Alexeï Navalny, un ancien confrère
Alexeï Navalny est mort le 16 février 2024 au centre pénitentiaire de Kharp dans l’Arctique russe, là où les conditions climatiques sont les plus éprouvantes.
Nous connaissons tous Alexeï Navalny qui était devenu, au risque de sa vie, le principal opposant russe au régime du Président Poutine.
Rappelons-nous toutefois qu’Alexeï Navalny, né le 4 juin 1976, avait été avocat. Diplômé en droit de l’université russe de l’Amitié des Peuples, il a exercé la profession d’avocat à partir de 1998. Ayant également étudié à l’université de Yale en 2009, il pratiquait essentiellement le droit des affaires.
En 2013, il a été poursuivi pour détournement de fonds dans une affaire dite Kirovles. L’accusation fut dénoncée à l’époque comme un procès politique, notamment par l’ONG Memorial et par l’Union européenne. Il est vrai qu’entre-temps Alexeï Navalny avait développé une activité politique opposée au régime en place et créé la Fondation Anticorruption.
Photo : Par Evgeny Feldman — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=6747775
Surpopulation carcérale : droit à la dignité
L'actualité internationale qui nous interpelle assurément tous est au centre des préoccupations de chacun tant les enjeux sont vitaux.
Il n'empêche, d'autres sujets de plus grande proximité nous préoccupent également, constituant de graves phénomènes de société, et il nous appartient d'assumer, chacun dans le rôle qui est le sien, les responsabilités qui nous ont été confiées.
Ainsi le barreau et plus précisément les Ordres communautaires ont reçu la mission du législateur d'assurer la défense des justiciables.
AVOCATS.BE, depuis le début de son existence, a fait usage de cette compétence pour défendre les droits des justiciables lorsque ceux-ci étaient menacés. Nous pensons évidemment aux initiatives prises pour résister aux tentatives législatives pouvant mettre à mal notre secret professionnel.
Aujourd'hui, c’est de la surpopulation dans les prisons que nous souhaitons vous entretenir.
Image d'illustration.
Rémunération des stagiaires
Comme je vous l’avais écrit dans un éditorial précédent, le Ministre de la justice Van Quickenborne a entrepris une réforme des professions juridiques dont la nôtre.
L’actuel Ministre, Monsieur Paul Van Tigchelt, a poursuivi cet objectif et un avant-projet de loi sur la modernisation de la profession d’avocat (à l’élaboration duquel les Ordres communautaires ont pu participer) a été discuté en inter-cabinets.
L’Etat de droit. Encore et toujours
Je voudrais faire écho au beau discours de Me Audrey Lackner lors de la séance solennelle de rentrée du barreau de Bruxelles français le 19 janvier 2024. Derrière son intitulé « Au-delà des nuages » se cachait non pas un ciel bleu mais la crise de l’Etat de droit dont l’oratrice a dit qu’il s’effritait « doucement. Sûrement ».
À juste titre, Me Lackner a plaidé la nécessité de « passer à la vitesse supérieure ».
Qui le contesterait ?
Arrêts de la Cour constitutionnelle du 11 janvier 2024 : une victoire pour notre secret professionnel !
La défense du secret professionnel de l’avocat est une mission essentielle – et hélas plus actuelle que jamais - de l’O.B.F.G. Les projets de loi se succèdent qui, d’une manière ou d’une autre, y portent atteinte et les responsables politiques éprouvent des difficultés manifestes à pleinement intégrer toutes les conséquences de ce principe cardinal d’un état de droit, dans les textes de loi qu’ils préparent. Des exemples récents l’ont rappelé notamment en matière de lancement d’alerte, de lutte contre le blanchiment ou de protection du consommateur.
Dans ce contexte, il est particulièrement heureux que, la semaine dernière, la Cour constitutionnelle ait rendu 4 arrêts qui, à la suite de recours en annulation émanant entre autres de l’O.B.F.G., censurent des lois, décrets et ordonnance au motif qu’ils portent clairement atteinte au secret professionnel de l’avocat.