Ce que la presse a révélé, suite à une enquête de l’Organe de contrôle de l’information policière, concernant le viol, au sein d’une zone de police de Flandre orientale, de la confidentialité des échanges entre des avocats et leurs clients est véritablement sidérant et inadmissible.
Chaque personne entendue comme suspect a le droit d’être assistée d’un avocat avec lequel elle aura pu s’entretenir au préalable, dans le respect de la confidentialité. C’est un acquis réclamé depuis longtemps par les avocats et obtenu à la suite à un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme. Il s’agit de protéger les droits de la défense, c’est-à-dire de s’assurer que des aveux ne seront pas extorqués par surprise à des citoyens en situation de faiblesse. C’est l’arrêt Salduz.
La Belgique s’est conformée à cette jurisprudence et a organisé les auditions des personnes suspectes en leur permettant d’être assistées par un avocat et d’avoir, préalablement, un entretien confidentiel avec elles. C’est ce que la loi prévoit et ce que le barreau a mis en place.
La confidentialité des entretiens entre un justiciable et son avocat est une condition essentielle du respect du secret professionnel. Le secret professionnel, c’est tout ce qu’un client confie à son avocat et, aussi, tout ce que cet avocat apprendra au sujet du dossier dans l’exercice de sa profession
Permettre à une personne de se confier à son avocat sans avoir la crainte que ses confidences soient divulguées à qui que ce soit, en ce compris à un enquêteur ou à un juge, c’est simplement le droit au droit. « Il en va de la démocratie », écrit encore le bâtonnier Christian RAOULT. « Bien plus que les divergences sur l'ordre social ou économique, c'est le secret professionnel et le respect de l'individu qu'il implique, qui marquent la véritable fracture entre les états démocratiques et les états de type marxiste ou totalitaire »1.
Comme le secret médical auquel le médecin est tenu pour protéger son patient, le secret professionnel de l’avocat existe dans le seul intérêt du client. Il est aussi nécessaire pour le bon fonctionnement de la justice comme l’ont souligné à plusieurs reprises la Cour européenne des droits de l’homme, la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour constitutionnelle et la Cour de cassation ainsi que de nombreuses juridictions de fond. Sa violation est d’ailleurs sanctionnée pénalement.
Personne n’ignore que de nombreuses erreurs judiciaires trouvent leur origine dans de faux aveux obtenus de clients qui, sous la pression d’un interrogatoire, ont raconté ce que les enquêteurs voulaient entendre parce qu’ils ne voyaient pas d’autre échappatoire.
Ce qui s’est passé dans ce commissariat, et dont on dit que cela s’est peut-être passé ailleurs, est donc totalement scandaleux. « Il s’agit d’une violation des droits de la défense. (…) Les droits de la défense sont un principe fondamental de l’Etat de droit qui doit être traité avec beaucoup d’attention », ont rappelé les ministres de l’intérieur et de la justice dans un communiqué commun.
Bien entendu, la toute grande majorité des policiers font leur travail de manière remarquable et respectueuse des droits des personnes. Comme la toute grande majorité des magistrats agissent dans le strict respect des lois. Mais, parfois, il y a des dérives et il faut les dénoncer.
Le secret professionnel des avocats est un des secrets les plus absolus. Parce qu’il est indissociable d’une justice respectueuse des droits des citoyens. On ne peut donc être que profondément choqué de constater une autre dérive, celle qui voit certains magistrats instructeurs faire interroger des avocats comme suspects pour la seule raison que, exerçant simplement leur métier, ils ont donné des conseils à leurs clients.
Ces dérives restent, heureusement, rares mais elles existent et mettent à mal l’Etat de droit. Elles sont
l’expression de l’estompement de la norme.
Est-ce donc un événement totalement fortuit ce qui s’est passé dans ce commissariat ? Au nom de la transparence, certains croient pouvoir tout se permettre. Il n’en est rien et il est temps de le rappeler. Le tout à la transparence, le tout à l’immédiateté, ce n’est pas la justice mais un simulacre de justice, qui se retourne toujours contre les plus faibles. Les juridictions internationales et les juridictions supérieures de notre Etat n’ont de cesse de le rappeler.
Nous devons rester extrêmement vigilants et, lorsque c’est nécessaire, nous battre pour rappeler nos libertés et droits fondamentaux. C’est en occultant ces dérives que notre démocratie est en danger car notre silence serait complice.
Le respect des droits de la défense et du secret professionnel est le seul moyen de sauver l’Etat de droit de ces dérives. Prenons garde au respect de ces règles et de nos libertés.
Xavier Van Gils
Président d’AVOCATS.BE
Benoit Havet
Bâtonnier du barreau du Brabant Wallon
Alain Fiasse
Bâtonnier du Barreau de Charleroi
Pierre Sculier
Vice-Président d’AVOCATS.BE
Maurice Krings
Bâtonnier du barreau de Bruxelles
Valérie Pirson
Bâtonnier du Barreau de Dinant
Rainer Palm
Bâtonnier du barreau d’Eupen
Daniel Henneaux
Bâtonnier du barreau du Luxembourg
Olivier Van de Laer
Bâtonnier du barreau de Namur
Renaud Heins
Bâtonnier du barreau de Verviers
Bernard Ceulemans
Bâtonnier du barreau de Liège-Huy
Paul Urbain
Bâtonnier du barreau de Mons
Bernard Dapsens
Bâtonnier du barreau de Tournai